Hit PARADE (Studio)

Nous avons rencontré Anatole Royer, l’hyperactif graphiste et fondateur du studio PARADE, véritable touche-à-tout à l’univers festif et fédérateur, également dj, programmateur et designer à ses heures.

05.05.2023 Par Philippe Laugier
Parade studio, blowupguild, design, editorial

graphisme : @paradestudio

– On vous a découvert en 2020 en plein confinement avec un affichage sauvage fluo dans les rues de Paris qui clamait LET THE PEOPLE FAIRE LA FÊTE. Sur cette affiche, des mains rapprochées priaient en tenant une boule à facettes en guise de chapelet, créant le buzz.

Depuis plusieurs années je suis très proche de plusieurs collectifs et labels et l’un de mes meilleurs potes est le patron du Sacré, la suite du Social Club. A l’époque, j’avais dû rendre le local de mon studio et j’ai squatté le club pendant 6 mois, donc j’ai vécu tout ça de l’intérieur, je trouvais qu’il y avait beaucoup d’incohérences dans les règles et les interdictions. Évidemment, la période était compliquée et il fallait fatalement mettre en place des règles, mais les lieux de fêtes étaient souvent pris de haut et un peu laissés pour compte. On ne va pas se lancer dans un débat maintenant, mais quelle que soit sa définition de la fête, je pense que c’est vital pour tout le monde de lâcher prise, de décompresser, toute la nuit, ou juste à l’apéro, en festival ou chez des ami(e)s. Le slogan est inspiré de la compilation de Busy P & DJ Mehdi Let the Children Techno. Ensuite je me suis amusé à coller ces affiches dans toutes les rues de Paris pendant des mois.

– En étudiant le parcours de PARADE, on a pu voir que vous aviez à votre actif déjà des pochettes de disques, des logos (Radio Marais, ndrl), des vêtements (la marque Pavane), des affiches, et même des skis ! Comment tout a commencé et est-ce que vous travaillez seul ?


Parade est le nom de mon studio. Quand je me suis lancé en 2014, je m’imaginais qu’on serait une dizaine à écouter des disques entre midi et deux et jouer à la Playstation en fin d’après-midi. La réalité est bien différente, pour plein de raisons, mais surtout parce que le milieu n’est pas simple, que j’ai mauvais caractère et que je bosse principalement sur ce qui me tient à cœur, en privilégiant plutôt la passion que le business… Parade c’est moi, avec des stagiaires et des alternant(e)s de temps en temps ! Effectivement, je ne m’ennuie pas. Pavane c’est également moi qui l’ai créé et je me suis bien amusé à réaliser des sweats en éditions limitées fabriqués en France, d’ailleurs la suite arrive ! Côté skis, je dessine pour la marque Faction depuis 4 ans, c’est devenu vraiment une famille, une bande de copains et copines amoureux de montagne, avec qui les relations sont simples, la création fluide…

 

Parade studio, blowupguild, design, editorial

photographie : @paradestudio

J’ai du mal avec le coté Instagram, quand les gens sont là pour se montrer ou juste faire des stories sans même savoir qui passe du son…

– Votre slogan est Musique pour les Yeux. Quelle place occupe la musique dans votre création ?

Je crois que tout part de là. Déjà, le nom Parade est en hommage à un morceau de Rone, un artiste que j’adore qui est devenu un pote au fil du temps. Avant Parade, mon terrain de jeu était Le Tournedisque, un collectif qu’on avait créé avec deux amis, qui me donnait l’occasion de faire des visuels toutes les semaines. Je collectionne les vinyles depuis des années, j’écoute de la musique toute la journée… Je suis très proche de mes frères et on s’échange constamment nos découvertes dans une boucle Whatsapp. Dans la vie, il y a quelques domaines qui rassemblent tout le monde : la bouffe, le sport et la musique. Je suis nul au foot, je cuisine mal, mais j’ai beaucoup de disques.

– Votre univers très coloré matche souvent avec les codes de l’électro et vous avez travaillé avec des lieux comme le Cabaret Sauvage, le Wanderlust, des artistes comme Agoria, Folamour ou bien encore avec le collectif Dure Vie. Le clubbing vous inspire ?


Je ne suis pas (plus ?) un acharné de la fête. J’ai laissé derrière moi les années ou je rentrais quand il faisait jour. Mais j’adore l’idée que plein de gens se rassemblent. J’ai du mal avec le coté Instagram, quand les gens sont là pour se montrer ou juste faire des stories sans même savoir qui passe du son… Mais après tout, chacun y trouve son compte. Aujourd’hui je préfère les petits événements, avec moins de monde, mais un bon esprit partagé.

L’idée c’est de faire entendre des morceaux au maximum de gens, et permettre ainsi de découvrir qu’au Nigeria on a fait du son incroyable dans les années 70, qu’il existait une scène disco en Hongrie dans les années 80 etc…

– Vous avez développé l’univers visuel du producteur YUKSEK sur ses derniers albums.

Yuksek vient de Reims, comme la famille de ma mère. Il y a pas mal de connections depuis des années. On s’est rapprochés au fil du temps, notamment lors d’un festival en Grèce où je mettais du son, toujours avec notre collectif Tournedisque. On a passé plusieurs jours ensemble en se disant qu’il fallait qu’on fasse quelque chose, et depuis un moment, je fais régulièrement des visuels pour lui, notamment pour son dernier album, avec un clip plein de couleurs effectivement.

– Vous avez développé votre propre web radio, PROSE FM, comment fonctionne-t-elle ?

Prose, c’est un peu la suite de Tournedisque : une sélection de musique sans pub et quelques émissions live. De la bonne humeur toute la journée : afro, disco, soul, funk, italo… Et la nuit c’est bonne humeur aussi mais moins mignon : house, techno, minimale…Une grande partie de la programmation est issue de vinyles rares de ma collection. L’idée c’est de faire entendre des morceaux au maximum de gens, et permettre ainsi de découvrir qu’au Nigeria on a fait du son incroyable dans les années 70, qu’il existait une scène disco en Hongrie dans les années 80 etc…

– Côté édition, vous avez travaillé pour le magazine Society et publié en 2021 le livre Annulé, préfacé par Laurent Garnier. Pouvez-vous nous parler de ces expériences ?

Avec Society, on part d’un article qu’il faut illustrer de façon percutante, tout va très vite, c’est génial mais stressant car jusqu’au dernier moment on ne sait pas si le visuel sera validé… Mon meilleur souvenir est la couverture pour les élections américaines, on est passé de « God Bless America » à « Blood and Mess in America » … Le livre Annulé a été une belle aventure. Au moment du confinement, comme beaucoup de graphistes, je rageais de voir que plusieurs visuels sur lesquels j’avais passés des heures ne pourraient finalement pas voir le jour car les événements étaient annulés. J’ai donc voulu tout rassembler dans un livre, pour qu’ils puissent quand même exister et être visibles du grand public. J’ai lancé un appel à contribution qui a été très relayé et des centaines de graphistes m’ont envoyé leurs créations. Laurent Garnier, au-delà d’être un artiste exceptionnel, est aussi un super mec, et il a accepté que j’utilise en préface sa lettre destinée à Roselyne Bachelot. Enfin, tous les bénéfices issus des ventes ont été reversés aux Restos du Cœur.

Cross rug , tapis, natalie royer, blowupguild, design, editorial

Tapis Cross chez Lachance Paris

– Vous faites également du design, vous avez notamment dessiné le très graphique tapis Cross pour la maison La Chance et dessiné un meuble à vinyles.

Avec La Chance, on a d’abord commencé à travailler sur leur catalogue. C’était beau, on s’entendait bien, la suite coulait de source ! On a évoqué l’idée d’un tapis et j’ai eu carte blanche. Je me suis inspiré d’un nœud marin qu’on appelle une baderne. Pour le meuble à vinyles, Supernature en hommage au morceau de Cerrone, j’avais tout simplement besoin d’un meuble pour ranger une partie de ma collection. Bon, finalement il est trop petit, mais il est très beau, avec un plateau en yaourts recyclés produit par Le Pavé. J’ai dessiné le meuble et mon ami Fabio, de L’Atelier Fabio Pin, a tout fabriqué, avec son savoir-faire.

Découvrez le tapis Cross chez La Chance - Paris
Évidemment je ne sauve pas des vies, mais je peux faire en sorte qu’avec quelques couleurs ou un peu de rythme, elles soient plus douces.

– Quels sont pour vous les ponts entre design, graphisme et musique ?

Je suis un peu comme un enfant : j’accorde beaucoup d’importance au plaisir, parfois plus qu’à la raison ou à l’utile, le plaisir des yeux, des oreilles, des papilles… Je trouve ça important de faire quelque chose de beau. Évidemment je ne sauve pas des vies, mais je peux faire en sorte qu’avec quelques couleurs ou un peu de rythme, elles soient plus douces.

– Le bar Le Mansard semble tenir une place importante pour vous. Est-ce le meilleur endroit pour avoir une chance de vous rencontrer ?

Pendant quelques années, mon studio était en face du Mansart. C’est blindé le soir, mais en réalité tellement simple et authentique, que tout le monde s’y retrouvait aussi la journée, un vrai bar de quartier. J’y étais tous les matins et chaque déjeuner, au comptoir. J’ai sympathisé avec toute l’équipe, ce sont devenus de vrais amis. Tous mes rendez-vous avaient lieu là-bas, j’y ai quelques fois passé des disques, l’équipe faisait office de psy dans les mauvais moments…

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