Sex appeal
L’artiste français Cédrix Crespel nous fait découvrir ses toiles lumineuses chargées d’érotisme représentant des femmes séduisantes et fortes sous diverses formes, y compris la muse ultime: sa femme.
Sous La Lumière – Pleurer de JOIE by Cedrix Crespel
Habillé en noir de la tête aux pieds, les manches de chemise retroussées qui laissent entrevoir les tatouages de ses bras, des boucles d’oreilles d’un argent scintillant sous une chevelure ébouriffée, Cédrix Crespel pourrait facilement passer pour une star du rock. Son nom, dont le « x » inattendu et à l’allitération sifflante, évoque un nom de scène en lettre de néon rouge. Si ce français quarantenaire aux multiples talents crée de la musique -produisant des textes poétiques et du son electro Synthé- c’est l’art qui l’a surtout intéressé ces vingt dernières années. A travers sa large toile il explore l’érotisme, la féminité et la sexualité, peignant des femmes abstraites entourées de lignes graphiques en zig-zag, comme des balayages expressifs de bombe de peinture.
Son style et ses sujets sont fermement ancrés dans notre époque. S’il avoue de lui même ne pas avoir eu d’ordinateur avant l’âge de 25 ans, Cédrix Crespel avait déjà pensé au début de sa carrière à l’utilisation du digital dans son travail. Il est important pour lui qu’un artiste soit le produit, un miroir de sa culture contemporaine. “Je pense qu’un artiste a l’obligation d’être le reflet de sa génération. Plus même que de coller à l’air du temps ou même au goût du moment.” dit Cédrix Crespel. Faisant partie de l’ère du digital, il ressent le besoin de le transposer dans son travail. Cela se manifeste dans un univers très stylisé, où une surface laquée peinte à la glycéro va se mixer avec des blocs saturés de couleurs unies, donnant une atmosphère dynamique et virtuelle à des personnages dont les contours sont noirs. L’écrivain et journaliste Olivier Cachin va plus loin en disant que les sujets de Crespel échappent aux clichés car « Elles sont peintes avec l’amour d’un artiste qui refuse de choisir entre la froideur de l’ordinateur et le trait arbitraire d’une bombe de peinture aérosol».
En effet, après une réflexion plus poussée sur l’ère dans laquelle nous vivons -l’ère du post #MeToo- la pression et le harcèlement que subissent les femmes ne laissent pas Cédrix Crespel indifférent. D’autant plus que son travail est très centré sur le portrait et le traitement des femmes. Contrairement à ce qu’il décrit comme de « l’abus de pouvoir, qui est à l’antithèse de comment je vois les relations entre hommes et femmes », il tente de sublimer la dynamique homme-femme. Pour lui, son rôle d’artiste dans ce contexte est de continuer à rendre hommage à ceux qui l’inspirent, « Mon rôle en tant qu‘artiste, continuer à rendre hommage à celle(s) qui m inspire(nt), en tentant à ma manière de peindre et dépeindre une femme qui invente une histoire, la rendant bien plus forte et sage que l‘homme et sa bestialité. »
Dire que les femmes sont au centre de son travail est un euphémisme. Bien qu’il soit tentant d’y voir une obsession, Cédrix Crespel précise «plutôt une passion, pour la femme, sa féminité et sa manière d’en jouer « . Que leurs lèvres soient d’un rose vif, leurs seins nus ou qu’elles soient vêtues de porte-jarretelles et de stilettos, elles sont systématiquement les personnages de ses peintures intimes. Selon l’historien d’art Renaud Faroux, il est clair que l’artiste vénère et respecte ses sujets : «Il aime tous ses modèles qu’il célèbre comme des Muses, Maman ou Putain, Madone ou Madeleine, Marie ou Maryline, maîtresse ou esclave ». Cédrix Crespel se questionne sur la représentation de la femme en cherchant à illustrer sa force et son pouvoir de séduction. « C’est précisément cette faculté à nous faire vaciller qui lui confère un statut unique. Être femme c’est une force réelle parfois parée d une apparente faiblesse ».
Plus que de simples sujets, ses muses contribuent à la création de son travail. Ce ne sont pas des modèles passifs mais des complices actives et puissantes. « Les muses avec qui j‘ai travaillé ont toutes participé de manière ludique à la construction d’une œuvre qui, plus qu’une représentation, est un hommage à leur charme impérissable ».
She Is Sidoni – Pleurer de JOIE by Cedrix Crespel
Au delà de ses muses -qu’elles soient des amies ou des inconnues- sa femme Tiphaine Crespel a également joué un rôle central dans son travail. « Puis la vie et ses fêlures l’ont amenée à se poser la question du couple dans l‘art, à savoir pour elle plus particulièrement, comment être, comment rester, comment devenir Muse » raconte Cédrix Crespel. Et c’est ainsi, alors qu’il résidait au Maroc, que la correspondance avec son épouse le conduit à la création d’une nouvelle série qui fera l’objet d’une exposition intitulée « Pleurer de Joie ». Tiphaine lui envoyait des autoportraits et il créait des croquis directement inspirés de ces photos.
Sa femme est également la source d’inspiration de sa prochaine exposition qui se tiendra à Hong Kong en 2019, en collaboration avec la Galerie Paris 1839, et qui s’appellera DEEP POLA. Pour cela il travaillera sur cinq de ses polaroïds, « L’idée étant d’étirer son propre travail à l’extrême en lui donnant une lecture profonde et différente. Je vais renoncer aussi à ma gamme chromatique en respectant les teintes originelles de ses photos. »
Cédrix Crespel a beau avoir le look d’un leader de groupe de rock, de bien des façons, ce sont les femmes qu’il peint qui sont sur le devant de la scène. Son rôle en tant qu’artiste est de retranscrire leur physique, leur féminité et leur pouvoir sur la toile. « Je suis simplement un artiste peintre qui essaie de traduire sa vie, ses angoisses et ses questionnements à travers un vocabulaire graphique qui n’est finalement que la conséquence d’un travail mille fois répété ».